Le droit d’auteur est l’ensemble des prérogatives exclusives dont dispose un créateur sur son œuvre de l’esprit originale. Ces prérogatives sont à savoir les droits moraux et les droits patrimoniaux. On connaitra ainsi la possibilité du recours à l’arbitrage par rapport à ce droit.
L’admission de l’arbitrabilité des questions liées au droit d’auteur risque d’être choquante. Ce qui peut expliquer que les pays ne traitent pas ce sujet avec la même rigueur. Ainsi, la vision américaine, adaptée par la Cour Suprême Canadienne, montre un certain libéralisme par rapport à la vision française, adaptée par la Tunisie, qui n’a toléré que l’arbitrage dans les litiges relatifs au droit patrimonial de l’auteur.
Chapitre 1- La vision française du droit d’auteur
Section 1- Le droit patrimonial de l’auteur
Le droit d’auteur représente un droit exclusif d’exploiter son œuvre sous quelque forme que ce soit et d’en tirer un profit pécuniaire.1
Paragraphe 1-Le fondement de l’arbitrabilité
Bien que la notion de libre disponibilité soit largement retenue par les législateurs nationaux, il n’en demeure pas moins qu’elle ne fait l’objet d’aucune définition légale. Par contre, ceci n’a pas échappé à certains auteurs à l’instar de M. Level qui a donné une définition souvent utilisée par les auteurs selon laquelle « un droit est disponible lorsqu’il est sous la totale maîtrise de son titulaire, à telle enseigne qu’il peut tout faire à son propos et notamment l’aliéner, voire y renoncer ».2 On constate alors que tout droit cessible et susceptible de renonciation est disponible.
En France, L’article 2059 du code civil indique que « Toutes personnes peuvent compromettre sur les droits dont elles ont la libre disposition. » Néanmoins, l’article 20603 CC pose des exceptions à ce
principe.
Cette thèse de principe et exceptions a été critiquée par M. Ancel qui a estimé que l’article 2059 CC n’absorbe pas l’article 2060 CC Ainsi, il s’agit d’un texte complémentaire, qui contient une possibilité d’exclusion de l’arbitrage distincte de celle qui est prévue par l’article 2060 CC.4
Le législateur tunisien, par contre, n’a pas fait signe quant à la libre disponibilité des droits mais il a prévu un article similaire à l’article 2060 du CC. Il s’agit de l’article 7 du code d’arbitrage qui prohibe de compromettre dans les matières touchant à l’ordre public; dans les contestations relatives à la nationalité; dans les contestations relatives au statut personnel, à l’exception des contestations d’ordre pécuniaire en découlant; dans les matières où on ne peut transiger et dans les contestations concernant l’Etat, les établissements publics à caractère administratif et les collectivités locales, à l’exception des contestations découlant de rapports internationaux, d’ordre économique, commercial ou financier.
Le législateur tunisien semble plus libéral puisqu’il n’a pas limité le critère d’arbitrabilité en la libre disponibilité. Il a posé ainsi comme règle l’habilitation de l’arbitrage dans tous les domaines et entre toutes les parties. Donc, l’article 7 ne serait qu’une exception à ce principe.5
On pourra justifier que ce choix est fait par le législateur tunisien à cause du caractère ambigu de la libre disponibilité. En effet, il y a des droits indisponibles par nature comme par exemple les contestations relatives à la nationalité et il y a des droits partiellement indisponibles comme les contestations relatives au statut personnel qui peuvent être arbitrable compte tenu du caractère pécuniaire des litiges.
Paragraphe 2- La concrétisation de l’arbitrabilité
En propriété littéraire et artistique, on se demande si l’auteur a la libre disposition de ses droits sur son œuvre et donc il peut stipuler une clause compromissoire le liant à l’exploitant. Dans la mesure où la question est abordée sous un aspect patrimonial, visiblement, aucune règle, aucun principe n’interdit un recours à l’arbitrage.
En effet, l’article 8 de la loi de 1994 relative à la propriété littéraire et artistique précise que les droits patrimoniaux peuvent être transmis partiellement ou totalement par voie de succession ou par cession. Cette transmission peut être exercée par l’auteur lui-même, son représentant ou tout autre titulaire de ces droits.
En clair, le monopole d’exploitation du droit d’auteur peut être l’objet de cession, donc d’un droit disponible. Par conséquent, susceptible d’être réglé par voie d’arbitrage. D’ailleurs l’article 26 de la loi
précitée6 confirme la nature contractuelle de la cession.
De même pour l’édition des œuvres graphiques dont l’article 27 énonce que : « Le contrat d’édition graphique est le contrat par lequel l’auteur de l’œuvre ou ses ayants droit cèdent à l’éditeur [..]. Le contrat doit être rédigé par écrit».
Même cas pour la fabrication d’exemplaires enregistrés dont l’article 32 prévoit qu’elle ne se fait que par un contrat écrit établi entre l’auteur de l’œuvre ou son représentant et l’exploitant.